1939 - 1945 Le monument aux Résistants et Déportés de Bohain-en-Vermandois
Le 17 décembre 1943, à la suite d’un sabotage commis sur la ligne de chemin de fer entre Bohain et Fresnoy-le-Grand, des otages et une partie des résistants du réseau Tell-Musician du commandant « Guy » BIELER sont arrêtés et incarcérés à la prison de Saint-Quentin puis déportés en Allemagne. C’est pour leur rendre hommage ainsi qu’à tous les enfants de Bohain victimes de la guerre 1939-1945 que ce monument, unique dans le département de l’Aisne, a vu le jour en 1948.
L’Histoire du monument aux Résistants et Déportés de Bohain-en-Vermandois peut se lire à travers les noms qui y sont gravés. Dans un souci de rendre hommage à la fois aux résistants, aux déportés mais aussi plus globalement à tous les enfants de Bohain-en-Vermandois victimes civiles ou militaires de la Seconde Guerre mondiale, ce monument porte gravé sur ses flancs les noms d’hommes et de femmes qui tombèrent durant ce conflit, à commencer par ceux qui, en premier, tentèrent de résister à l’invasion nazie en 1940 : les combattants de l’armée française.
Les combattants de 1940 : les premiers résistants à l’invasion nazie
En première ligne de l’invasion allemande en mai 1940, le département de l’Aisne est un territoire frappé dès le 10 mai 1940 par les bombardements de la Luftwaffe sur ses voies ferrées, ses terrains d’aviation et ses principales voies de communication. L’état-major de la 1ère armée française étant installé à Bohain, la ville est l’objet de toute l’attention de l’aviation allemande, et l’une des premières victimes de cette guerre, bien que non militaire, sera d’ailleurs une femme mentionnée sur le monument : Marthe LEBRUN. Sémaphoriste garde-barrière S.N.C.F., elle fut tuée au cours du bombardement aérien de la gare de Bohain par la Luftwaffe le 14 mai 1940. D’autres victimes allaient suivre, car, mobilisés en septembre 1939, les Axonais allaient devoir se battre au sein de l’armée française dans les Ardennes, en Belgique et dans le Nord, causant de nouvelles victimes militaires dont les noms figurent sur ce monument :
ALAVOINE Eugène : sapeur au 19e régiment du Génie et décédé par noyage à Sidi Boul Babah (Tunisie) le 21 juillet 1940
ALLIOT Jean
CREPIN Désiré : sergent au 155e régiment d’infanterie de forteresse, il est détenu au Frontstalag 240 de Verdun (Meuse) où il décède le 15 décembre 1940
DEFAUCHEUX René : cavalier au 1er groupe de reconnaissance de corps d’armée, décédé le 1er juin 1940 à Uxem (Nord)
DELAPORTE Paul, soldat du 91e régiment d’infanterie motorisé, tué à l’ennemi le 14 mai 1940 à Dom-le-Mesnil (Ardennes)
FLAMANT Roger : sergent au 136e régiment d’infanterie de forteresse, décédé lors d’un bombardement au cours de la bataille d’Inor (Meuse), le 20 mai 1940
GERVAIS Georges : artilleur au 99e régiment d’artillerie mobile de forteresse, décédé le 9 juin 1940 à Savigny-sur-Aisne (Ardennes)
HENNEQUART Lucien : soldat au 136e régiment d’infanterie de forteresse, tué à l’ennemi le 24 juin 1940 à Sedan (Ardennes)
LEMAIRE Paul : soldat du 124e régiment d’infanterie, décédé le 15 mai 1940 à Villers-Pol (Nord)
LUCIER Auguste : artilleur au 301e régiment d’artillerie de position, décédé de maladie le 6 août 1940 à Poitiers (Vienne)
MASSET Eugène : soldat au 124e régiment d’infanterie, tué à l’ennemi le 19 mai 1940 à Maubeuge (Nord)
MICHEE Maurice : soldat du 124e régiment d’infanterie, prisonnier au Stalag VI-G, mort en captivité le 19 septembre 1941 à Bonn (Allemagne)
PARDIELLAN André
PELTIER Pierre : soldat du 124e régiment d’infanterie, tué le 28 mai 1940 à Frelinghien (Nord)
POIRIER Gaston : soldat du 167e régiment d’infanterie de forteresse, décédé accidentellement au poste de secours de Koenigsmacker (Moselle) le 16 mai 1940
REGNIER L
REGNIER M
ROUTIER Louis : soldat à la 12e compagnie de travailleurs, décédé le 8 juin 1940 à Bourges des suites de maladie
STEINMETZ Eugène : tankiste au 509e régiment de chars de combat, tué le 21 mai 1940 à Amiens (Somme)
TAINE Auguste : pionnier au 402e régiment de pionniers, tué à l’ennemi le 18 mai 1940 à Vendhuile (Aisne)
TAINE Gaston : soldat du 45e régiment d’infanterie, décédé des suites de blessures au poste de secours de Marcoing (Nord) le 1er juin 1940
TUPET Marcel : chauffeur de route au dépôt S.N.C.F. de Tergnier non mobilisé, sera victime du bombardement du 16 mai 1940 en gare de Bouchain à la suite de l’explosion d’un wagon de munitions et décèdera le lendemain
LES ACTIONS DES RÉSISTANTS AUTOUR DE BOHAIN-EN-VERMANDOIS
Le fracas des combats de mai-juin 1940 terminé, le département de l’Aisne est occupé par l’armée allemande, et dès 1941-1942 les premiers réseaux de résistance s’organisent. Toutefois, l’action de la résistance dans le secteur de Bohain-en-Vermandois, bien avant les sabotages commis durant l’été 1944 par les Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.), fut tout d’abord le fait de plusieurs groupes des Francs-Tireurs et Partisans Français (F.T.P.F.). En lien étroit avec le réseau du Special Operation Executive (S.O.E.) Tell-Musician du Commandant Gustave « Guy » BIELER, installé à Fonsommes à partir d’avril 1943, ces groupes effectuèrent en effet de nombreux sabotages grâce aux agents et au matériel envoyés depuis Londres.
Le groupe le plus actif près de Bohain fut sans doute le détachement 22 « La Corse », qui organisa des mitraillages et des sabotages sur la ligne ferroviaire Paris-Maubeuge entre Bohain et Busigny. Le 4 octobre 1943, ils parviennent ainsi à incendier 7 wagons de paille en gare de Busigny, puis le 15 octobre 1943, c'est un train de troupes allemandes qui déraille à Becquigny. Le 13 novembre 1943 a lieu ce qui fut probablement leur sabotage le plus spectaculaire. Au pont ferroviaire de Fresnoy-le-Grand qui passe au-dessus l’ancienne route départementale n°8 (près de la piscine du Vermandois), 18 mètres de rails sont déboulonnés, faisant dérailler un train de voyageurs. Une locomotive, son tender et 4 wagons chutent ainsi de 7 mètres, coupant la route pendant 12 h et la voie ferrée de gauche pendant 24 h.
En décembre 1943 et janvier 1944 auront lieu plusieurs autres sabotages sur la ligne Busigny-Hirson, des transports d’armes et réceptions de parachutages. Le 10 janvier 1944, Paul TESSIER (1916-1944), agent du S.O.E. envoyé par Londres pour seconder Guy BIELER, sera ainsi parachuté avec 8 containers entre Busigny et La Haie Menneresse et sera caché à la ferme de Rosencourt à Bohain. Toutefois après des arrestations en février 1944, ce groupe de résistants cessera son activité.
Le second groupe de résistants F.T.P.F. qui joua un rôle actif dans le secteur de Bohain fut le détachement 23 « Gabriel Péri » Groupe « Jean Catelas ». Opérant principalement autour de Fresnoy-le-Grand, Fonsommes et Croix-Fonsommes en lien étroit avec le commandant « Guy » BIELER, ils effectuent eux-aussi de nombreux sabotages et réceptions de parachutages. Le réseau S.O.E. Tell-Musician est en effet en contact étroit avec Londres et obtient des parachutages d’armes et de matériel grâce à son opératrice-radio Yolande BEEKMAN, qui sera notamment hébergée à Saint-Quentin chez l’institutrice en retraite Marthe LEFEBVRE, native de Bohain. Le sabotage le plus impressionnant qu’ils aient réalisé est sans doute celui du 29 octobre 1943, lorsqu’un train de la Luftwaffe convoyant des hommes et du matériel depuis les Pays-Bas dérailla, tuant 62 soldats allemands. Celui du 1er janvier 1944 fut aussi très spectaculaire sur la voie ferrée entre Croix-Fonsommes et Essigny-le-Petit, lorsqu’un train de marchandises dérailla, occasionnant la destruction de 19 wagons et une interruption du trafic durant 62 heures.
Mais ces nombreux sabotages attirèrent l’attention des forces de sécurité allemandes et la répression se durcit au fil des mois. A la suite de l’arrestation de Guy BIELER et de Yolande BEEKMAN le 13 janvier 1944, beaucoup des membres de ce groupe furent arrêtés à leur tour.
Les actions des groupes de sabotages des F.T.P.F. sous l’impulsion du commandant « Guy » BIELER se multipliant, les forces de sécurité et la police allemande décident en effet d’effectuer des arrestations un peu partout dans le nord de l’Aisne dès le mois de décembre 1943. Le 17 décembre 1943, plusieurs résistants de Bohain ainsi que des otages sont arrêtés par le Sicherheitsdienst (S.D.) de Saint-Quentin, incarcérés à la prison, avant d’être déportés peu après, principalement dans le convoi du 27 janvier 1944 (le même que celui de l’écrivain Jorge SEMPRÚN) :
ALAVOINE Henri : Ancien combattant 1914-1918, secrétaire de mairie à Bohain depuis 1925, il est transféré au camp de Royallieu d’où il sera déporté vers le camp de Buchenwald le 27 janvier 1944. Le 29 janvier, ayant perdu la raison, il cria à l’arrêt d’une gare et deux prisonniers qui se trouvaient dans le même wagon ont préféré l’étrangler pour éviter que les Allemands ne fusillent tout le wagon.
ALAVOINE Léon : déporté du camp de Royallieu le 27 janvier 1944 à destination du camp de Buchenwald, il sera libéré le 11 avril 1945.
CACHEUX Gustave : transféré au camp de Royallieu le 17 janvier 1944, il sera déporté au camp de Buchenwald le 27 janvier 1944 et libéré le 11 avril 1945. Il décédera à Bohain le 9 février 1976.
CHOCU Alcide : transféré au camp de Royallieu, il sera déporté le 27 janvier 1944 au camp de Buchenwald et décédera le 4 mars 1945 au camp de Nordhausen.
DUBOURG Marcel : réfractaire au STO, il est transféré au camp de Royallieu d’où il sera déporté au camp de Buchenwald le 27 janvier 1944 puis à Flossenbürg où il décédera le 15 mai 1944.
ERST Léon : forgeron réfractaire au STO, il est transféré au camp de Royallieu d’où il sera déporté au camp de Buchenwald le 27 janvier 1944. Il décèdera le 7 février 1944 dans l’explosion d’une bombe alliée à Weimar.
LEFEVRE Lucien : ouvrier réfractaire au STO, il est transféré au camp de Royallieu d’où il sera déporté au camp de Buchenwald, et sera libéré le 13 avril 1945. Jusqu’à son décès en avril 2010 à l’âge de 90 ans, il ne cessa d’intervenir dans les établissements scolaires pour raconter ce qu’il avait vécu.
MARIAGE Albert : employé de la S.N.C.F. et résistant, il effectue des sabotages. Arrêté, il est déporté le 27 janvier 1944 du camp de Royallieu à destination de Buchenwald.
MISERY Virgile : employé S.N.C.F., conseiller d’arrondissement de Bohain depuis 1937 et membre des F.T.P.F., est incarcéré à la prison de Saint-Quentin et décédera des suites de mauvais traitements le 2 avril 1944 à l’Hôtel-Dieu de la ville.
MISERY René : fils de Virgile MISERY, est arrêté en même temps que son père, et profitera de l’enterrement de ce dernier en avril 1944 pour prendre le maquis.
MORU François : conducteur de tracteur de battage et réfractaire au STO, il est transféré au camp de Royallieu le 17 janvier 1944 d’où il sera déporté au camp de Buchenwald le 27 janvier 1944 (kommando de Wansleben). Il sera libéré le 11 avril 1945.
PRUVOT Henri : tisseur mécanique arrêté sans motif connu, il est transféré au camp de Royallieu le 17 janvier 1944 d’où il sera déporté au camp de Buchenwald le 27 janvier 1944 (kommando de Wansleben). Il sera libéré le 11 avril 1945 et rapatrié par avion.
ROBERT Henri : employé de mairie et chef des F.T.P.F. de Bohain en lien avec le réseau Tell-Musician, il est transféré au camp de Royallieu d’où il sera déporté au camp de Buchenwald le 17 août 1944. Il survivra et sera libéré le 11 avril 1945.
Plusieurs autres noms sont inscrits sur le monument sur la liste des déportés, certains l’ont effectivement été ou ont été victimes des persécutions nazies. Les informations que nous avons pu recueillir les concernant sont malheureusement encore très partielles, mais permettent d’en savoir plus sur ces hommes et ces femmes :
ALAVOINE Fernand : commerçant, semble avoir fait partie des hommes arrêtés le 17 décembre 1943 puis déportés (inscrit comme tel sur le monument), mais ne figure sur aucune source officielle.
BAUDOIN Georges : déporté de Tourcoing le 1er septembre 1944 dans le « Train de Loos » et incarcéré à la prison de Mülheim puis déporté au camp de Sachsenhausen. Transféré au camp de Natzweiller (Kommando de Kochendorf) puis au camp de Dachau. Libéré le 30 avril 1945 à Allach, il décèdera le 13 octobre 1993.
BLANCHARD René : déporté le 28 juillet 1944 du camp de Royallieu à destination du camp de Neuengamme et mort en déportation peu après.
CRINON Pierre : résistant F.T.P.F. déporté le 4 juin 1944 du camp de Royallieu à destination du camp de Neuengamme et mort en déportation.
DELACOURT Henri : déporté le 28 juillet 1944 du camp de Royallieu à destination du camp de Neuengamme, il décèdera à Seboncourt le 22 septembre 1948 des suites des mauvais traitements reçus en déportation.
DEVOUGES Georges : décédé le 19 mars 1942 à Loos (Nord).
DODANE Charles : déporté du camp de Royallieu le 17 août 1944 et mort en déportation à Neu-Stassfurt.
DUPUIS Jean
GAVEL Jacques : incarcéré à la prison de Bruxelles en décembre 1943 puis déporté « Nacht und Nebel » au camp de Buchenwald (kommando de Essen) puis au camp d’Auschwitz (kommando de Blechhammer) où il sera libéré le 24 janvier 1945.
LEFEVRE Marthe : directrice d’école à la retraite vivant à Saint-Quentin, elle héberge Gustave Biéler puis d’autres membres du réseau Tell-Musician, ainsi que des aviateurs anglais jusqu’à son arrestation le 15 janvier 1944. Déportée au camp de Ravensbrück le 18 avril depuis la gare de Paris-Est, elle y meurt du typhus le 27 février 1945.
LEMINCE Camille
PARENT Gérard : membre de l’Organisation Civile et Militaire et membre du maquis de Mazinghien, fut arrêté par le S.D. pour avoir caché un parachute dans son puits de la ferme de Rosencourt. Déporté du camp de Royallieu le 6 avril 1944 à destination du camp de Mauthausen, il est affecté au kommando de Melk puis au camp d’Ebensee en Autriche pour la création d’usines souterraines. Il y décédera le 15 février 1945.
PARANT Paul : arrêté pour faits de résistance. Transféré au camp de Royallieu, sera déporté à destination du camp de Buchenwald, où il sera libéré le 25 mai 1945. Il décédera le 22 octobre 1984.
PECQUEUX Paulin : natif de Bohain, chef d’atelier dans une entreprise de Sancoins (Cher) appartenant aux Etablissements Prot Frères à Reims, membre du mouvement Libération-Sud. Arrêté le 7 août 1943 et condamné à mort pour « acte de franc-tireur et aide à l’ennemi » par le tribunal militaire allemande de Bourges. Il sera fusillé le 7 octobre 1943 au terrain militaire du Polygone, stand de tir de Montifaut à Bourges.
QUINCAMPOIX Octave : ancien combattant de 1914-1918, marchand d’armes et de cycles et membre du maquis de Mazinghien, il est déporté du camp de Royallieu le 6 avril 1944 à destination du camp de Mauthausen. Affecté au kommando de Gusen le 28 avril 1944, il travaille dans les usines installées par les firmes Steyr, Daimler, Puch et Messerschmitt pour la fabrication des pièces de fusils et des moteurs d'avions et décèdera le 14 avril 1945 à Gusen II.
WIBAIL Yves : natif de Bohain, il est incarcéré le 22 août 1944 à la prison de Bruxelles puis à la prison d’Hagen. Déporté au camp de Buchenwald, il meurt en déportation au kommando de Bochum le 26 mars 1945.
A cette liste on pourrait toutefois, parmi tant d’autres, rajouter deux noms qui ne figurent pas sur ce monument : celui de Ernest PALEMON, né à Bohain le 14 avril 1922, et qui sera tué lors des combats de Vassieux-en-Vercors (Drôme) le 21 juillet 1944, ou celui du Paul MILLOT. Né à Bohain le 19 novembre 1904, curé de Saint-Michel (Aisne) et résistant, le chanoine MILLOT sera arrêté le 4 juin 1944 à Hirson, transféré au camp de Royallieu puis déporté le 28 juillet 1944 à destination de Neuengamme puis Dachau, et pourra regagner la Thiérache après la Libération. Mais au-delà des noms des victimes du régime nazi parmi la résistance, plusieurs victimes civiles sont également mentionnées sur ce monument, sans que les circonstances de leurs décès soient encore vraiment connues pour certaines. Les dates et les lieux de décès auxquels ils sont rattachés montrent cependant que les civils durent aussi supporter les bombardements sur les gares et les usines françaises durant le conflit, et en furent les victimes souvent anonymes :
AFCHAIN Eugène, décédé à Bohain le 13 novembre 1943
DECLINCOURT Marthe
DEFOSSE J
FILLION Gilberte, décédée le 31 mai 1940
FOULLOY G
GIBOT Yvette, décédée le 30 avril 1944 à Busigny (Nord).
GONTHIER Eugène
LARONCELLE Théodosie
LEFEVRE Elie, décédée le 24 décembre 1943
LEFEVRE Hippolyte
LEMAIRE Henriette
LETUPPE Marie-Louise
MORU Victor, décédé le 13 novembre 1943
PRUVOST Henri
TROCME Jean-André : ouvrier à l’usine Renault de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), tué lors d’un bombardement allié le 4 avril 1943.
VASINA Germaine, décédé le 2 mars 1944.
Les Résistants de Bohain-en-Vermandois dans la Libération
Malgré les exactions et les arrestations, la Résistance de Bohain continua son action et se reforma peu à peu. Henri ROBERT ayant pu transmettre ses ordres à Jean POLVENT, instituteur à Bohain, ce dernier reprendra la direction des F.T.P.F. de Bohain. Avec son groupe, il diffusera de la presse clandestine et hébergera des résistants clandestins en diverses cachettes, comme dans la ferme de Albert HALLE à Prémont ou encore chez Mme Germaine CACHEUX (dont le mari était déporté). Au printemps 1944, rassemblés au sein des Forces Françaises de l’Intérieur, les membres des F.T.P.F., de l’Organisation Civile et Militaire et surtout de Libération-Nord seront aux premières loges pour participer à la Libération. Ainsi du 20 au 27 août 1944, ils participeront à la protection des transformateurs, points d’eau et usines à gaz par toutes les sections.
Le 3 septembre 1944, ils attaqueront une compagnie de soldats allemands, faisant 64 prisonniers dont 1 officier. Certains résistants seront blessés au cours des combats : Adolphe SEYNAEVE, Albert BEUDIN, Gaston DROMAS ou encore le lieutenant des douanes Samuel ALLAIRE, dont les équipes avaient assuré la protection armée des équipes de sabotage durant l’été (3 juillet 1944 et le 8 août 1944) et de réception des parachutages le 7 août 1944. Le 30 décembre 1944, alors que la bataille des Ardennes fait rage, 30 hommes du secteur de Bohain seront remobilisés sous le commandement du lieutenant Marcel RICHARD pour assurer la garde des points stratégiques de la région jusqu’au 28 janvier 1945. Pendant ce temps, d’autres Français engagés au sein des unités de l’armée française reconstituée aux côtés des Alliés poursuivaient le combat, et certains y laisseront la vie, comme c’est le cas d’Eugène MORELLE, inscrit sur ce monument car décédé à Thanvillé (Bas-Rhin) des suites de blessures reçues au combat au sein du 4e bataillon de marche de la 1ère Division Française libre.
UN MONUMENT POUR LA MÉMOIRE DES RÉSISTANTS ET DÉPORTÉS
Soucieux de faire perdurer la mémoire de leurs camarades disparus dans les camps de concentration nazis, rappeler l’action des résistants mais aussi des Bohainois tombés au cours des combats de 1940, les anciens combattants et résistants de Bohain-en-Vermandois lancèrent une souscription publique pour ériger un monument afin de leur rendre hommage.
Le Comité du Monument aux Résistants et aux Enfants de Bohain dirigé par le Docteur Paul FRANCOIS, et composé notamment de Monsieur Albert HALLE, cultivateur à Prémont, et de Madame PLACE, adjointe au maire, propose également des ventes d’objets et une conférence du général de corps d’armée BUISSON le jeudi 13 mai 1948 afin de rassembler des fonds. Rapidement le projet prend forme autour d’un monument en granit rose de Perros-Guirec (Côtes-d’Armor) de près de 3 mètres de haut représentant trois containers de parachutages dressés côte à côte, portant deux plaques de bronze pour un coût total compris entre 400 000 et 500 000 francs (environ 20 000 euros), qui serait installé dans le square non loin de la gare.
Sur ce monument plusieurs inscriptions que l’on peut encore lire sont alors prévues, mettant les noms des victimes civiles et militaires ainsi que des déportés de Bohain à l’honneur, mais aussi le Docteur Claude MAIRESSE, chef de la résistance de l’arrondissement de Saint-Quentin qui décédera dans le « Train de la mort » qui le conduisait à Dachau le 2 juillet 1944, ou encore Gustave « Guy » BIELER, chef du réseau S.O.E. Tell-Musician qui, après son arrestation, sera déporté au camp de Flossenbürg où il sera exécuté le 5 septembre 1944. En exergue à tous ces noms, on peut enfin lire dans la partie centrale : « Unis dans la Résistance, Unis dans le Sacrifice 1939-1945 ». Soumis à la Commission départementale des Monuments Commémoratifs, ce projet recevra un avis favorable et le 5 mai 1948, le Préfet de l’Aisne René HUDELEY donnera son autorisation au docteur FRANCOIS pour que le monument soit érigé, le chef du service départemental de l’Urbanisme et de l’Habitation, M. POËLLE, écrivant même dans son rapport que « ce monument est le résultat d’un effort artistique considérable ».
En effet, au-delà de la symbolique – unique dans le département de l’Aisne – des trois containers de parachutage redressés où le détail a été poussé jusqu’à graver les attaches et fermetures, les plaques en bronze sont dignes d’un grand intérêt. La première, située sous les médaillons représentant les profils de Gérard PARENT et Octave QUINCAMPOIX, tous deux morts en déportation, représente une victoire ailée séparant deux scènes : à gauche le largage d’un container avec son parachute par un avion, la réception des autres containers par un groupe de résistants dirigé par l’un d’entre eux, et leur transport à bord d’un camion, avec en arrière-plan la silhouette de la sucrerie de Bohain. A droite de la victoire ailée une autre scène, plus dramatique, celle d’un chef de la résistance arrêté par la police allemande et amené près d’une cachette sur la route de Busigny d’où sont sortis des armes et parachutes (sous doute une évocation de Gérard PARENT qui avait caché un parachute dans son puits). Se sentant condamné, il pense à sa maison familiale, à l’église, à l’hôtel de ville de Bohain, et à la victoire. Au revers du monument enfin, au-dessus de la plaque reprenant les noms autrefois lisiblement gravés sur le monument, la seconde plaque en bronze représente la République brisant ses chaînes avec la devise révolutionnaire reprise en 1944 par les maquisards des Glières (Haute-Savoie) : « Vivre Libre ou Mourir ».
Le 12 juillet 1948, ce monument est inauguré dans le cadre d’une journée patriotique franco-britannique rendant hommage dans un premier temps au cimetière communal aux aviateurs britanniques du No. 100 Squadron RAF qui étaient à bord du bombardier Avro Lancaster E653 HW-E abattu au retour d’un raid aérien sur Stuttgart (Allemagne), et qui tombèrent le 15 avril 1943 au Taillis Brunet à la sortie de Bohain (F/Lt SHUFFLEBOTHAM, F/O TOWERS, F/O WEST, Sgt TYRER, Sgt NUNN, Sgt HUNT, Sgt PASCOE). Le cortège se dirigea ensuite sur les lieux du crash, route de Guise, puis à l’hôtel de ville où des résistants furent décorés de la croix de guerre. La journée se termina par l’inauguration du monument qui fut officiellement remis à la ville. Dans la tradition des monuments dédiés aux résistants ayant participé à des opérations aériennes, le monument, recouvert d’un parachute, fut alors dévoilé par les autorités civiles et militaires.
Chaque année, le dernier dimanche d’avril, jour du souvenir de la déportation, une grande cérémonie de recueillement permet, en présence des autorités civiles et politiques, des associations d’anciens combattants et des descendants de résistants, d’honorer leur mémoire. L’association des Familles et amis des déportés de Bohain-en-Vermandois veille en particulier à faire perdurer leur souvenir. Le 27 avril 2025, à l’occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la Déportation, une borne du réseau Aisne Terre de Mémoire mis en place par le Département de l’Aisne a été inaugurée afin de valoriser ce monument, son histoire et celle des hommes et des femmes qu’il honore.