Publié le 18 mai 2022 - Mis à jour le

17 et 18 mai 1940, les chars défendent la vallée de l’Oise

Ayant traversé les Ardennes et atteint le département de l’Aisne le 15 mai 1940, l’essentiel des divisions blindées de la Wehrmacht traversent la Thiérache le 16 mai, prenant de vitesse une armée française débordée, et qui tarde surtout à comprendre que l’objectif de l’armée allemande est d’atteindre la côte picarde. Dès lors que les contours de cet axe d’attaque se dessinent, le Grand Quartier Général (GQG) de l’armée française envoie la 2e division cuirassée (DCR) dans l’Aisne, mais celle-ci reçoit rapidement des ordres contradictoires des généraux dont elle relève, et c’est de manière fractionnée qu’elle se déploie.

Une mise en place difficile

Carte de la défense de la vallée de l’Oise.
© F.Lefort, CD02

Le déploiement des unités de la 2e DCR dans l’Aisne est des plus chaotique le 15 mai alors que les blindés allemands arrivent dans le département : certaines unités débarquent à Etreux, Saint-Quentin, La Capelle ou Hirson, les ordres étant de colmater la brèche entre la 9e et la 2e armée. Le lendemain, devant les difficultés d’acheminement par voie ferrée des chars et la rapidité de l’avance adverse, tandis que des éléments se heurtent déjà aux divisions blindées allemandes à Montcornet, c’est de manière morcelée que les unités de la 2e DCR encore disponibles reçoivent finalement l’ordre de défendre à tout prix l’Oise et le canal de la Sambre à l’Oise.Mais les moyens manquent pour mettre en œuvre cette mission. En effet, la 9e armée du général Giraud, à laquelle la 2e DCR est rattachée officiellement, ne dispose pas de divisions d’infanterie de réserve disponibles dans l’immédiat, et c’est donc les chars Hotchkiss de la 4e demi-brigade du lieutenant-colonel Golhen, composée des 14e et 27e bataillon de chars de combats (BCC), qui prennent en charge la défense des ponts le 16 mai, sous la supervision du général Delestraint, envoyé spécialement par le GQG pour coordonner l’action des chars entre Le Nouvion et La Fère.

Rapidement, les ponts de Oisy à Tupigny en passant par Etreux, Vénérolles et Hannapes sont pris en charge par les 2e et 3e compagnies du 14e BCC, les ponts de Grand-Verly à Origny-Sainte-Benoîte en passant par Vadencourt, Hauteville et Bernot par la 1ère et la 2e compagnie du 27e BCC. Fort heureusement elles sont renforcées dès le lendemain par des éléments de la 9e division d’infanterie motorisée (9e DIM) et par ce qu’il reste des 1re et 4e division d’infanterie nord-africaine (DINA). Dans la journée du 16 mai, ils sont rejoints par les chars B1 Bis des 2e et 3e compagnies du 8e BCC qui viennent les épauler aux ponts de Guise, Vadencourt, Ribemont, Origny-Sainte-Benoîte et Moÿ-de l’Aisne, tandis que les ponts jusqu’à La Fère sont gardés par la 1ère compagnie du 14e BCC.

Les blindés allemands arrivent

Colonne de véhicules de la 6. PzD dans Guise.
©Arch. dép. Aisne, 2 Fi 349

Concentrées sur leur objectif d’atteindre la côte picarde au plus vite, les divisions blindées allemandes du Panzergruppe von Kleist qui ont percé à travers la Thiérache avancent de leur côté selon un ordre de marche précis. Ainsi la 1ère panzerdivision (PzD.) du XIXe Armeekorps (mot.) du général Guderian se présente devant Brissy-Hamégicourt dès le 16 mai au soir, tandis que la 2e PzD. fait de même devant Ribemont. Se produit alors un fait que l’on pourrait penser incroyable, mais pourtant vrai : craignant des contre-attaques blindées françaises, Adolf Hitler ordonne à ses troupes de s’arrêter et de ne pas franchir l’Oise.

Cette décision fait enrager le général Guderian qui préfère donner sa démission que de perdre ainsi l’avantage, et il faut attendre le 17 mai dans l’après-midi pour que son commandement lui soit rendu et que l’avance vers l’Ouest puisse reprendre « officiellement », les éléments de tête n’ayant pas attendu pour avancer. Est-ce que cette situation aurait pu permettre aux troupes françaises de se renforcer sur l’Oise ? Selon toute probabilité, cela n’aurait rien changé, car sans unités de réserves à proximité, l’armée française n’aurait pas pu renforcer son dispositif.

Quoi qu’il en soit, si les divisions blindées de Guderian n’ont pas encore traversé l’Oise le 16 mai au soir, la 6e PzD de son côté, qui appartient au XLI Armeekorps (mot.) du général Reinhardt, toujours en pointe depuis le 15 mai, attaque Guise dans la soirée. Reprenant sa marche dès le lendemain matin, les premières automitrailleuses de la 6e PzD abordent l’Oise à Origny-Sainte-Benoîte et les chars les rejoignent peu après : la traversée de la vallée allait se faire en combattant.

Une défense courageuse mais solidaire

Au moment où l’armée allemande arrive, c’est une défense française très hétéroclite, mais surtout très faible qui se présente devant eux. Essentiellement composée de 80 chars répartis sur près de 60 km, sans infanterie ou presque, avec quelques pièces d’artillerie, la défense française n’est pas en état d’offrir une résistance sérieuse à une armée allemande qui a prouvé sur la Meuse sa capacité à franchir des cours d’eau défendus.

Dans une rue de Guise, char B1 bis « Ouragan » du
8e bataillon de chars de combats (BCC), abandonné
après les combats. ©Arch. dép. del’Aisne, 2 Fi 336
Char B1 bis « Bourrasque » du 15e bataillon de chars
de combats (BCC), immobilisé dans les environs de
Mortiers le 17 mai 1940. © Arch. dép. de l’Aisne, 2 Fi 2.

 

 

 

 

 

 

 

 

Dès l’aube du 17 mai, les troupes allemandes tentent de s’emparer des ponts de Moÿ-de-l’Aisne, de Berthenicourt, de Mézières-sur-Oise où les chars Hotchkiss H-38 du 27e BCC et les B1 Bis du 8e BCC résistent courageusement, les ponts ne tombant aux mains des combattants allemands qu’à 13h. A Ribemont, les positions défensives françaises sont prises à revers et les blindés allemands franchissent rapidement la rivière, remontant la rive ouest vers Regny, Thenelles et Bernot, leur progression n’étant entravée que quelques heures par une contre-attaque de la 2e compagnie du 27e BCC à Hauteville. Plus au nord, la 6e PzD utilise la même tactique à Longchamps, Neuvillette et Hauteville et parvient à établir des têtes de ponts entre 12h et 17h avant d’exploiter sa percée en fonçant vers Aisonville-et-Bernoville.

Jusque dans la soirée du 17 mai, les combats font rage dans la vallée alors que les blindés allemands remontent la rive ouest de l’Oise. A Hannapes et Tupigny, les chars Hotchkiss H-38 du 14e BCC sont mis hors de combat. Le lendemain, une poignée de fantassins français épaulés par quelques chars réinvestissent pourtant Tupigny où les combats continuent toute la journée, plusieurs chars allemands étant détruits avant que la résistance française ne cesse.

 

Deux chars français Hotchkiss H-38,probablement
du 14e ou du 27e BCC, capturés près de Saint-Quentin
©Arch. dép. Aisne, 2 Fi 1023
Char B1 bis « Pirate » du 8e bataillon de chars de combats
(BCC), détruit dans les environs de Mortiers le 17 mai 1940.
©Arch. dép. de l’Aisne, 2 Fi 350

 

 

 

 

 

 

 

 

Dès le début de l’après-midi, les Français sont débordés par les blindés allemands qui ont concentré leurs efforts sur la vallée de l’Oise, et les portes du Vermandois sont désormais ouvertes. Dans la soirée, l’ordre de repli est donné aux chars qui défendent la vallée de l’Oise mais tous ne le recevront pas. Les 18 et 19 mai, ce qu’il reste des 8e, 14e et 15e BCC, isolés dans le Nord du département, devront faire face à la 8e PzD devant les ponts sur le canal de la Sambre à l’Oise.

Conclusion

Bien que les chars de la 2e DCR aient fait tout leur possible pour tenir la vallée de l’Oise, la défense du Vermandois était presque impossible. Individuellement, ces chars se sont battus avec courage mais sans infanterie, sans soutien d’artillerie ni même de colonne de ravitaillement en essence et en munitions, ils ne pouvaient sans doute faire mieux. La rapidité de l’avance allemande ne sera pas sans conséquences, puisque le flanc sud du XIXe Armeekorps (mot.) du général Guderian sera fragilisé quelques jours et devra faire face à des tentatives de contre-attaques françaises le 19 mai à Essigny-le-Grand, par ce qu’il reste de la 2e DCR, et à Crécy-sur-Serre par la 4e DCR, le haut-commandement de l’armée française ayant compris trop tard l’intérêt de disposer de réserves mobiles et puissantes pour contre-attaquer.

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