Publié le 18 mai 2022 - Mis à jour le

Défendre le canal de la Sambre à l’Oise, 19 et 20 mai 1940

Après avoir traversé la Thiérache en moins d’une journée, les 1ère, 2e et 6e panzerdivisionen (PzD.) de l’armée allemande ont atteint la vallée de l’Oise le 16 mai, mais la 8e PzD. qui a pénétré dans l’Aisne par Aubenton, a rencontré de nombreuses résistances à Mondrepuis, Clairfontaine puis La Capelle. Les avant-gardes de celle-ci n’arrivent en vue du canal de la Sambre à l’Oise que le 17 mai dans la soirée. En face d’elles : des unités françaises déterminées à interdire tout passage du canal.

Le général Giraud après sa capture le 19 mai 1940 au Catelet. © NARA

La défense française s’organise

Le 17 mai, alors que l’on se bat encore dans le Nord du département à Saint-Michel, La Capelle et Mondrepuis, la résistance semble s’organiser sur le canal de la Sambre à l’Oise. En effet, le général Henri Giraud, nommé à la tête d’une 9e armée en déroute le 15 mai, s’est installé à Wassigny et peu à peu des états-majors et des troupes en errance s’y rassemblent. C’est ainsi que les blindés de la 2e division cuirassée, bien que celle-ci soit dispersée, sont mis à sa disposition. Rapidement, 80 chars sont ainsi disséminés de Oisy à Moÿ-de-l’Aisne au fur et à mesure de leur arrivée, pour défendre les ponts sur lesquels les Allemands comptent bien passer afin de poursuivre leur invasion.

Afin de soutenir ces chars, des éléments de la 9e division d’infanterie motorisée (DIM) reçoivent l’ordre de défendre le canal entre Landrecies et Hannapes. Une poignée de combattants du 23e régiment de tirailleurs algériens (RTA) et du 13e régiment de zouaves (RZ), reliquats de la 4e division d’infanterie nord-africaine (DINA) repliée de Thiérache, se joignent aussi à eux et s’installent à Hannapes et Tupigny. Dans la matinée, des batteries du 54e régiment d’artillerie nord-africaine (RANA) de la 1ère DINA les rejoignent et viennent s’installer en position antichars aux ponts d’Etreux et de Oisy, bientôt rejointes par un escadron à cheval du 91e groupe de reconnaissance de division d’infanterie (GRDI) qui s’installe à Oisy.

Enfin, vers 13h le même jour, ce qu’il reste de la 1ère DINA, qui a combattu la veille à Trélon (Belgique), parvient, en traversant sous le couvert de la Queue de Boué, jusqu’à Etreux. Commandés par le lieutenant-colonel Trabila, les 1er et 2e bataillons du 28e régiment de tirailleurs tunisiens (RTT) et le 1er bataillon du 27e RTA se présentent au pont après une marche de 45 km et y trouvent des éléments du 13e régiment d’infanterie (RI), un canon de 75 mm et des chars B du 15e bataillon de chars de combats (BCC), bientôt remplacés par les H-39 du 14e BCC. Exténués, ils prennent la route de Wassigny pour s’y réorganiser.

Un face à face avant l’orage

Le 18 mai à l’aube, le général Giraud toujours installé à Wassigny voit venir à lui le général Tarrit, commandant de la 1ère DINA, qui apprend ainsi ce qu’il est advenu de sa division, ou du moins ce qu’il en reste. Mais pendant ce temps la majeure partie de la 8e PzD arrive en vue du canal de la Sambre à l’Oise, et c’est une défense française organisée bien que très hétéroclite qui s’offre désormais aux Allemands qui prennent le temps de rassembler leurs forces durant toute la journée. Profitant de ce répit, les troupes françaises consolident leurs positions, avec ordre de faire sauter les ponts, si possible, et détruire les maisons qui pourraient faciliter l’installation des tireurs allemands.

Vers midi le pont de Oisy, tenu par l’escadron du 91e GRDI, deux canons antichars de 25 mm, une compagnie d’infanterie du 13e RI ainsi qu’un canon du 54e RANA, est détruit par les troupes françaises, qui abattent également un bombardier allemand. Tout près de là, une maison près de la berge est détruite au canon, pendant que les artilleurs allemands règlent les tirs de leurs pièces en effectuant des bombardements ciblés. Vers 15h30, les 5e et 7e compagnies du 5e régiment de tirailleurs marocains (RTM) sont envoyées constituer un poste avancé sur le canal à Petit-Cambrésis avec deux canons de 47 mm du 54e RANA tandis que des éléments du 28e RTT et du 27e RTA font de même à Oisy et Etreux, dont les défenses sont assurées par le 13e RI et trois canons de 75 mm.

L’attaque allemande sur le canal

Malheureusement pour l’armée française, la rapidité est la clé en ce mois de mai 1940, et à cela son adversaire s’est bien préparé. Dès le 17 mai, les troupes allemandes avaient pénétré en forêt de Mormal, plus au nord, et investi Le Quesnoy le 18 mai. Sans en avoir conscience, les troupes françaises qui défendent le canal de la Sambre à l’Oise étaient déjà contournées quand la 8e panzerdivision passe à l’attaque le 19 mai. Les combats sont néanmoins intenses, le point d’appui français de Oisy recevant à lui seul entre 3 000 et 4 000 obus de la part de l’artillerie allemande.

Face à une résistance française opiniâtre et l’impossibilité de passer au niveau des ponts, les blindés allemands font demi-tour. C’est finalement au sud d’Etreux et au nord de Oisy que l’infanterie allemande traverse le canal sur des canots pneumatiques et des passerelles provisoires, contournant par le nord et le sud les localités trop bien défendues par les troupes françaises.

En fin de journée, débordées par les infiltrations allemandes de part et d’autre du canal, les troupes françaises, à bout de munitions et ayant subi de grosses pertes, refluent sur Wassigny pour celles qui le peuvent encore.

La défense de Wassigny

Dans la soirée du 19 mai 1940, le lieutenant-colonel Trabila qui commande les restes de la 1ère DINA voit arriver les défenseurs du canal de la Sambre à l’Oise qui ont pu se replier après l’assaut allemand : c’est une question d’heures avant que les panzers ne se présentent devant le village. Déjà des accrochages ont lieu sur la route du Cateau et il ne fait plus aucun doute que Wassigny est sur le point d’être encerclé.

Le général Giraud, commandant la 9e armée, se trouvait dans le village la veille, et lui a ordonné de se mettre en état de défense. Trabila a mis en place le 1er bataillon du 27e RTA sur les lisières sud et sud-est de la forêt d’Andigny, face à Etreux et Hannapes et les deux bataillons du 28e RTT dans le village, à la gare et ses entrées principales, au blocus de Vénérolles et aux sorties vers Le Cateau et La Vallée-Mulâtre, ainsi que dans le centre de Wassigny.

Le 20 mai, dès 7h, les Allemands tentent de s’infiltrer dans le village en remontant la voie ferrée Guise-Mennevret-Wassigny et se heurtent aux 1ers bataillons du 28e RTT et du 27e RTT qui sont sérieusement accrochés tandis qu’à l’Est, des éléments du 1er bataillon du 5e RTM détruisent de nombreux chars. Toute la journée, les défenseurs de Wassigny font l’objet de tirs d’artillerie et d’attaques en piqué de l’aviation allemande. Vers 16h, l’infanterie allemande relance son attaque et la 7e compagnie du 28e RTT se bat à 120 contre 1 000 à la gare. Les assauts sont repoussés mais les Allemands parviennent tout de même à s’infiltrer dans le village. Installé dans une ferme du centre, le lieutenant-colonel Trabila est lui-même abattu d’une rafale de mitraillette. En fin de journée, les cartouches s’épuisent et les rangs s’éclaircissent, et à la nuit tombée c’est par endroits au corps à corps que certaines unités parviennent à se replier par la forêt, actant la fin de cette bataille.

Conclusion

Seule véritable tentative sérieuse de redressement des positions françaises sur le canal de la Sambre à l’Oise et sur l’Oise pour bloquer la percée allemande vers l’Ouest, la défense menée par les unités de la 9e armée à Oisy, Etreux, Vénérolles, Hannapes, Tupigny ou encore Wassigny fut solide bien qu’hétéroclite, mais trop faible pour tenir un si large front. La mobilité de leur adversaire, sa puissance de feu et sa capacité à être soutenu par son aviation de bombardement en piqué ne pouvait que les déborder. Aujourd’hui le monument d’Etreux est l’un des rares avec celui de la 1ère DINA dans le cimetière de Wassigny, qui rend hommage à tous ces hommes qui reposent encore pour beaucoup à la nécropole nationale de la Désolation, à Flavigny-le-Petit.

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